Fichage - Pékin
Policier prenant en photo les journalistes présents sur les lieux d'une expropriation
- Pékin, novembre 2008
Voir également le billet Haute Surveillance
Ordre Public - Pékin, Wangfujing
Dimanche 27 février 2011, devant le KFC de Wangfujing, lieu désigné pour le second "rassemblement du Jasmin". A 14h15, les stores du fast-food sont fermés sur ordre de la police. De mystérieux camions-citernes font leur apparition et s'installent devant l"entrée. Les curieux sont fermement invités à circuler.
Poste de police désaffecté - Yunnan
Les écriteaux indiquent : "Enquêtes criminelles - Local technique - Sécurité publique"
Fait divers - Pékin
En Chine, une famille menacée d'expulsion prête à s'immoler
Par Marianne BARRIAUX
PEKIN, 26 janvier 2011 (AFP) - Face à la menace de démolition imminente de son magasin de Pékin, Wang Shibo et des membres de sa famille ont imbibé leurs vêtements d'essence et sont prêts à s'immoler si elle ne reçoit pas avant le nouvel an les compensations pour lesquelles elle se bat depuis deux ans.
Le cas extrême de Mme Wang et les siens illustre les tragédies fréquentes en Chine causées par les réquisitions de terres et les expulsions forcées, les habitants étant souvent brutalement chassés par le rapide développement urbain et industriel.
La famille Wang se dit prête à aller littéralement jusqu'au bout, jusqu'au suicide, dans un face-à-face tendu avec les policiers à l'extérieur du commerce. Des pompiers ont également pris place, dans l'hypothèse du pire.
"Il nous est impossible de continuer à vivre, nous avons investi dans cette boutique tout notre argent, une vie d'économies, les retraites de mes grands-parents, un total de 1,6 million de yuans (177.000 euros)", explique à l'AFP Mme Wang, âgée de 27 ans et originaire du nord-est du pays.
"Cela fait deux ans que nous luttons et nous n'avons toujours aucun résultat", se désole-t-elle, les yeux gonflés par les larmes. Elle est enceinte de cinq mois et protège son ventre derrière un épais manteau de style militaire, sur lequel elle a versé le carburant.
Fin 2008, elle a ouvert sa petite boutique de vêtements à Nanluoguxiang, une rue touristique de Pékin bordée de maisons traditionnelles rénovées, transformées en bars et en commerces de mode ou décoration.
Elle a signé un bail de quatre ans, a payé en avance un an de loyer et a dépensé le reste de ses avoirs pour équiper le local et acheter les vêtements. Quatre mois plus tard, on lui a annoncé que sa boutique allait être détruite dans le cadre du chantier d'une ligne de métro.
Selon la loi chinoise, le propriétaire -- en l'espèce le bailleur de Mme Wang -- a droit à une compensation. La commerçante n'a elle rien reçu, malgré deux ans de mobilisation et de requêtes. Elle affirme que son propriétaire était parfaitement au courant du projet de métro.
Partageant son désespoir, les membres de sa famille ont accouru de la province du Liaoning, pour la soutenir dans son combat acharné.
"Le mari de ma tante est récemment décédé et nous n'avons même pas assez d'argent pour régler ses obsèques", lance Mme Wang. "Nous ne sommes pas de Pékin, mais ce n'est pas une raison pour nous mépriser de la sorte".
Le cycle réquisition-expulsion-démolition s'accompagne en Chine de nombreux conflits, les résidents se plaignant souvent de la faiblesse des indemnisations et de la collusion entre autorités locales et promoteurs.
Le pouvoir est conscient du potentiel dévastateur de situations telles que celle de la famille Wang: salaires impayés, démolitions forcées, expulsions ou encore saisies foncières et immobilières peuvent pousser des habitants dans leur derniers retranchements. Ils finissent par se révolter, risquant d'entraîner dans leur combat d'autres victimes oubliées de la croissance.
Le Premier ministre chinois Wen Jiabao a justement rencontré lundi des pétitionnaires, ces citoyens qui ont des doléances à adresser aux autorités, un geste inhabituel qui témoigne des tentatives du gouvernement pour calmer la grogne sociale.
Si les requêtes des pétitionnaires sont "raisonnables", une solution y sera apportée, a promis M. Wen.
Wang Shibo relate avoir suivi une longue procédure judiciaire, au terme de laquelle elle s'est vu attribuer 30.000 yuans de compensation (3.300 euros), soit moins de 2% de son investissement initial.
"Nous allons nous suicider avant le nouvel an lunaire (3 février), car de toute façon nous n'avons même pas de quoi rentrer chez nous", déclare-t-elle gravement.